<116> Si vous venez à Clèves, j'aurai encore le plaisir de vous revoir, et de vous assurer de l'admiration que votre génie m'a toujours inspirée. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.
389. AU MÊME.
Potsdam, 13 août 1766.
Je compte que vous aurez déjà reçu ma réponse à votre avant-dernière lettre. Je ne puis trouver l'exécution d'Abbeville aussi affreuse que l'injuste supplice de Calas. Ce Calas était innocent; le fanatisme se sacrifie cette victime, et rien dans cette action atroce ne peut servir d'excuse aux juges. Bien loin de là, ils se soustraient aux formalités des procédures, et ils condamnent au supplice sans avoir des preuves, des convictions, des témoins.
Ce qui vient d'arriver à Abbeville est d'une nature bien différente. Vous ne contesterez pas que tout citoyen doit se conformer aux lois de son pays; or, il y a des punitions établies par les législateurs pour ceux qui troublent le culte adopté par la nation. La discrétion, la décence, surtout le respect que tout citoyen doit aux lois, obligent donc de ne point insulter au culte reçu, et d'éviter le scandale et l'insolence. Ce sont ces lois de sang qu'on devrait réformer, en proportionnant la punition à la faute; mais, tant que ces lois rigoureuses demeureront établies, les magistrats ne pourront pas se dispenser d'y conformer leur jugement.
Les dévots, en France, crient contre les philosophes, et les accusent d'être la cause de tout le mal qui arrive. Dans la dernière guerre, il y eut des insensés qui prétendirent que l'Encyclopédie était cause des