<149> excellent recueil de tous ces livres, en élaguant quelques superfluités, et en resserrant les preuves. Je me suis longtemps flatté qu'une petite colonie de gens savants et sages viendrait se consacrer dans vos États à éclairer le genre humain. Mille obstacles à ce dessein s'accumulent tous les jours.
Si j'étais moins vieux, si j'avais de la santé, je quitterais sans regret le château que j'ai bâti et les arbres que j'ai plantés, pour venir achever ma vie dans le pays de Clèves avec deux ou trois philosophes, et pour consacrer mes derniers jours, sous votre protection, à l'impression de quelques livres utiles. Mais, Sire, ne pouvez-vous pas, sans vous compromettre, faire encourager quelque libraire de Berlin à les réimprimer, et à les faire débiter dans l'Europe à un prix qui en rende la vente facile? Ce serait un amusement pour V. M., et ceux qui travailleraient à cette bonne œuvre en seraient récompensés dans ce monde plus que dans l'autre.
Comme j'allais continuer à vous demander cette grâce, je reçois la lettre dont V. M. m'honore, du 24 mars. Elle a bien raison de dire que l'infâme ne sera jamais détruite par les armes, car il faudrait alors combattre pour une autre superstition, qui ne serait reçue qu'en cas qu'elle fût plus abominable. Les armes peuvent détrôner un pape, déposséder un électeur ecclésiastique, mais non pas détrôner l'imposture.
Je ne conçois pas comment vous n'avez pas eu quelque bon évêché pour les frais de la guerre, par le dernier traité; mais je sens bien que vous ne détruirez la superstition christicole que par les armes de la raison.
Votre idée de l'attaquer par les moines est d'un grand capitaine. Les moines une fois abolis, l'erreur est exposée au mépris universel. On écrit beaucoup en France sur cette matière; tout le monde en parle. Les bénédictins eux-mêmes ont été si honteux de porter une robe couverte d'opprobre, qu'ils ont présenté une requête au roi de