De vivre, après ma mort, au temple de Mémoire?
Un instant de bonheur vaut mille ans dans l'histoire.
Nos destins sont-ils donc si beaux?
Le doux plaisir et la mollesse,
La vive et naïve allégresse,
Ont toujours fui des grands la pompe et les travaux.
Ainsi la fortune volage
N'a jamais causé mes ennuis.
Soit qu'elle me flatte, ou m'outrage,
Je dormirai toutes les nuits,
En lui refusant mon hommage.
Mais notre état fait notre loi;
Il nous oblige, il nous engage
A mesurer notre courage
Sur ce qu'exige notre emploi.
Voltaire, dans son ermitage,
Dans un pays dont l'héritage
Est son antique bonne foi,
Peut s'adonner en paix à la vertu du sage,
Dont Platon nous marqua la loi.
Pour moi, menacé du naufrage,
Je dois, en affrontant l'orage,
Penser, vivre et mourir en roi.a
339. DE VOLTAIRE.
(Aux Délices) 13 novembre 1767.
Sire, votre Épître à d'Argens m'avait fait trembler; celle dont Votre Majesté m'honore me rassure. Vous sembliez dire un triste adieu
a On trouve une autre leçon de ces vers t. XIV, p. 133 et 134. Quant à la pensée exprimée dans les trois derniers, voyez t. VII, p. 98; t. XII, p. 47, 56-63, 115, 116, 195, 206 et 245; t. XIX, p. 88, 92, 145 et 146, 211, 225, 227, 228, 229 et 273; et t. XX, p. 305 et 313.