<186>sible; vous êtes homme quand vous n'êtes pas roi; vos vers à madame la princesse Amélie sont de l'âme à laquelle j'ai été attaché depuis trente ans, et à laquelle je le serai le dernier moment de ma vie, malgré le mal que m'a fait votre royauté, et dont je souffre encore le contre-coup sur la frontière de mon drôle de pays natal.
422. A VOLTAIRE.
Potsdam, 18 août 1770.a
Ne cachez point votre lumière sous le boisseau. C'était sans doute à vous que ce passage s'adressait; votre génie est un flambeau qui doit éclairer le monde. Mon partage a été celui d'une faible chandelle qui suffit à peine pour m'éclairer, et dont la pâle lueur disparaît à l'éclat de vos rayons. J'écris pour m'instruire et pour m'amuser; cela me suffit.b
Lorsque j'eus achevé mon ouvrage contre l'athéisme, je crus ma réfutation très-orthodoxe; je la relus, et je la trouvai bien éloignée de l'être. Il y a des endroits qui ne sauraient paraître sans effaroucher les timides et scandaliser les dévots. Un petit mot qui m'est échappé sur l'éternité du monde me ferait lapider dans votre patrie, si j'y étais né particulier, et que je l'y eusse fait imprimer. Je sens que je n'ai point du tout l'âme ni le style théologiques. Je me contente donc de conserver en liberté mes opinions, sans les répandre et les semer dans un terrain qui leur est contraire.
a Le Roi était parti le 15 pour la Silésie; la date de cette lettre est donc inexacte.
b Cette phrase est omise dans l'édition de Kehl; nous la tirons des Œuvres posthumes, t. X, p. 66.