<197> de se rendre à de si fortes semonces, repartit qu'il me félicitait de si bien connaître le chemin du paradis et de l'enfer, qu'il m'exhortait à dresser la carte du pays, et de donner un itinéraire pour régler les gîtes des voyageurs, surtout pour leur annoncer de bonnes auberges. Voilà ce qu'on gagne à vouloir convertir les incrédules. Je les abandonne à leurs voies; c'est le cas de dire : Sauve qui peut! Pour nous, notre foi nous promet que nous irons en ligne directe en paradis. Toutefois ne vous hâtez pas d'entreprendre ce voyage : un tiens dans ce monde-ci vaut mieux que dix tu l'auras dans l'autre. Donnez des lois à votre colonie génevoise, travaillez pour l'honneur du Parnasse, éclairez l'univers, envoyez-moi votre réfutation du Système de la nature, et recevez avec mes vœux ceux de tous les habitants du Nord et de ces contrées.
427. DE VOLTAIRE.
Ferney, 21 novembre 1770.
Sire, Votre Majesté peut être ciron ou mite en comparaison de l'éternel Architecte des mondes, et même des divinités inférieures qu'on suppose avoir été instituées par lui, et dont on ne peut démontrer l'impossibilité; mais en comparaison de nous autres chétifs, vous avez été souvent aigle, lion et cygne. Vous n'êtes pas à présent le rat retiré dans un fromage de Hollande, qui ferme sa porte aux autres rats indigents; vous donnez l'hospitalité aux pauvres familles polonaises persécutées, vous devez vous connaître plus qu'aucune mite de l'univers en toute espèce de gloire; mais celle dont vous vous couvrez à présent en vaut bien une autre.