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431. DU MÊME.

Ferney, 11 janvier 1771.

A L'AUGUSTE PROPHÈTE DE LA NOUVELLE LOI.

Grand prophète, vous ressemblez à vos devanciers envoyés du Très-Haut : vous faites des miracles. Je vous dois réellement la vie. J'étais mourant au milieu de mes neiges helvétiques, lorsqu'on m'apporta votre sacrée vision. A mesure que je lisais, ma tête se débarrassait, mon sang circulait, mon âme renaissait; dès la seconde page je repris mes forces, et par un singulier effet de cette médecine céleste, elle me rendit l'appétit, en me dégoûtant de tous les autres aliments.

L'Éternel ordonna autrefois à votre prédécesseur Ézéchiel de manger un livre de parchemin;a j'aurais bien volontiers mangé votre papier, si je n'avais cent fois mieux aimé le relire. Oui, vous êtes le seul envoyé de Jéhovah, puisque vous êtes le seul qui ayez dit la vérité, en vous moquant de tous vos confrères; aussi Jéhovah vous a béni en affermissant votre trône, en taillant votre plume, et en illuminant votre âme.

Voici comme le Seigneur a parlé :

C'est lui dont j'ai prédit : Il aplanira les hauts, il comblera les bas; le voilà qui vient; il apprend aux enfants des hommes qu'on peut être valeureux et clément, grand et simple, éloquent et poëte; car c'est moi qui lui appris toutes ces choses. Je l'illuminai quand il vint au monde, afin qu'il me fît connaître tel que je suis, et non pas tel que les sots enfants des hommes m'ont peint. Car je prends tous les globes de l'univers à témoin que moi, leur fondateur, je n'ai jamais été ni fessé ni pendu dans ce petit globule de la terre : que je n'ai jamais inspiré aucun Juif, ni couronné aucun pape; mais que j'ai envoyé, dans la plénitude des temps, mon serviteur Frédéric, lequel


a Ezéchiel, chap. III, v. 1.