<227> n'ont point de pouvoir. Je me trouve dans le cas de ces derniers à Neufchâtel, où mon autorité est pareille à celle qu'un roi de Suède exerce sur ses diètes, ou bien au pouvoir de Stanislas sur son anarchie sarmate. Faire à Neufchâtel un conseiller d'État sans l'approbation du synode serait se compromettre inutilement.
J'ai voulu, dans ce pays, protéger Jean-Jacques, on l'a chassé; j'ai demandé qu'on ne persécutât point un certain Petitpierre, je n'ai pu l'obtenir.a
Je suis donc réduit à vous faire l'aveu humiliant de mon impuissance. Je n'ai point eu recours, dans ce pays, au remède dont se sert la cour de France pour obliger les parlements du royaume à savoir obtempérer à ses volontés. Je respecte des conventions sur lesquelles ce peuple fonde sa liberté et ses immunités, et je me resserre dans les bornes du pouvoir qu'ils ont prescrites eux-mêmes, en se donnant à ma maison. Mais ceci me fournit matière à des réflexions plus philosophiques.
Remarquez, s'il vous plaît, combien l'idée attachée au mot de liberté est déterminée en fait de politique, et combien les métaphysiciens l'ont embrouillée. Il y a donc nécessairement une liberté;b car comment aurait-on une idée nette d'une chose qui n'existe point? Or je comprends par ce mot la puissance de faire ou de ne pas faire telle action, selon ma volonté. Il est donc sûr que la liberté existe; non pas sans mélange de passions innées, non pas pure, mais agissant cependant en quelques occasions sans gêne et sans contrainte.
Il y a une différence, sans doute, de pouvoir nommer un conseiller (soi-disant) d'État, ou de ne le pouvoir pas : celui qui le peut a la liberté; celui qui ne saurait le breveter ne jouit pas de cette faculté. Cela seul suffit, ce me semble, pour prouver que la liberté existe,
a Voyez t. XX, p. 315, 321, 322, 333 et 334; et ci-dessus, p. 112.
b Ce passage rappelle la partie de cette correspondance qui roule spécialement sur la liberté. Voyez t. XXI, p. 101, 102, 112 et suivantes, et p. 142 et suivantes.