<255>Toute l'Europe prétend que le grand Grégoirea est mal avec mon impératrice. Je souhaite que ce ne soit qu'un jeu. Je n'aime point les ruptures; mais enfin, puisque je finis mes jours loin de Berlin, où je voulais mourir, je crois qu'on peut se séparer de l'objet d'une grande passion.
Ce que V. M. daigne me dire à la fin de sa lettre m'a fait presque verser des larmes. Je suis tel que j'étais quand vous permettiez que je passasse, à souper, des heures délicieuses à écouter le modèle des héros et de la bonne compagnie. Je meurs dans les regrets; consolez par vos bontés un cœur qui vous entend de loin, et qui assurément vous est fidèle.
Le vieux malade.
458. A VOLTAIRE.
Potsdam, 4 décembre 1772.b
Ayant reçu votre lettre, j'ai fait venir incessamment le directeur de la fabrique de porcelaine, et lui ai demandé ce que signifiait cet Amphion, cette lyre et ce laurier dont il avait orné une certaine jatte envoyée à Ferney. Il m'a répondu que ses artistes n'en avaient pu faire moins pour rendre cette jatte digne de celui pour lequel elle était destinée; qu'il n'était pas assez ignorant pour ne pas être instruit de la couronne de laurier destinée au Tasse, pour le couronner au Capitole; que la lyre était faite à l'imitation de celle sur laquelle la Henriade avait été chantée; que si Amphion avait par ses sons harmonieux élevé les murs de Thèbes, il connaissait quelqu'un vivant
a Le comte Grégoire Orloff.
b Le 1er décembre 1772. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 174.)