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Aux bords de l'Achéron, où son destin le jette,
Il a trouvé tous les talents
Qu'une fatalité bizarre
Lui dénia toujours lorsqu'il en était temps,
Pour les lui prodiguer au fin fond du Ténare.
Enfin les trépassés et tous nos sots vivants
Pourront donc aspirer à briller comme à plaire.
S'ils sont assez adroits, avisés et prudents
De choisir pour leur secrétaire
Homère, Virgile, ou Voltaire.a

Solon avait donc raison : on ne peut juger du mérite d'un homme qu'après sa mort. Au lieu de m'envoyer souvent un fatras non lisible d'extraits de mauvais livres, Thieriot aurait dû me régaler de tels vers, devant lesquels les meilleurs qu'il m'arrive de faire baissent le pavillon. Apparemment qu'il méprisait la gloire au point qu'il dédaignait d'en jouir. Cette philosophie ascétique surpasse, je l'avoue, mes forces.

Il est très-vrai qu'en examinant ce que c'est que la gloire, elle se réduit à peu de chose. Être jugé par des ignorantsb et estimé par des imbéciles, entendre prononcer son nom par une populace qui approuve, rejette, aime, ou hait sans raison, ce n'est pas de quoi s'enorgueillir. Cependant que deviendraient les actions vertueuses et louables, si nous ne chérissions pas la gloire?

Les dieux sont pour César, mais Caton suit Pompée.c

Ce sont les suffrages de Caton que les honnêtes gens désirent de mériter. Tous ceux qui ont bien mérité de leur patrie ont été encouragés dans leurs travaux par le préjugé de la réputation; mais il est essentiel, pour le bien de l'humanité, qu'on ait une idée nette et


a Ces dix-sept vers se trouvent déjà, avec une légère variante, dans notre t. XIII, p. 108.

b Par des ingrats. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 181.)

c Lucain, Pharsale, chant I, vers 128. Voyez t. XV, p. 150; t. XVI, p. 174; t. XVIII. p. 253; et t. XXI, p. 186.