<281>qu'il pense comme ces deux grands hommes; comment pourrait-il être fâché contre ceux qui punissent ses assassins, et qui lui laissent un beau royaume, où il pourra être le maître?
Je ne verrai pas les troubles qui semblent se préparer, ma santé est trop délabrée; j'irai retrouver tout doucement Isaac d'Argens, et nous vous célébrerons tous deux sur le bord des trois rivières.
En attendant, je vous prie de me conserver vos bontés. Plaignez-moi surtout de mourir loin de V. M.; mais ma destinée l'a voulu ainsi.
469. A VOLTAIRE.
Potsdam, 17 mai 1773.
Si je n'étais pas surchargé d'affaires, j'aurais répondu à votre charmante lettre de toutes les trinités infernales, auxquelles vous avez heureusement échappé; ce dont je vous félicite. Il faudra attendre le retour de mes voyages; ce qui sera expédié à peu près vers le milieu du mois prochain.
Quelque pressé que je sois, je ne saurais pourtant m'empêcher de vous dire que la médisance épargne les philosophes aussi peu que les rois. On suppose des raisons à votre dernière maladie, qui font autant d'honneur à la vigueur de votre tempérament que vos vers en font à la fraîcheur, ou, pour mieux dire, à l'immortalité de votre génie. Continuez de même, et vous surpasserez Mathusalem en toute chose. Il n'eut jamais telle maladie à votre âge, et je réponds qu'il ne fit jamais de bons vers.
Le Philosophe de Sans-Souci salue le Patriarche de Ferney.