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471. DE VOLTAIRE.

Ferney, 4 septembre 1773.

Sire, si votre vieux baron a bien dansé à l'âge de quatre-vingt-six ans, je me flatte que vous danserez mieux que lui à cent ans révolus. Il est juste que vous dansiez longtemps au son de votre flûte et de votre lyre, après avoir fait danser tant de monde, soit en cadence, soit hors de cadence, au son de vos trompettes. Il est vrai que ce n'est pas la coutume des gens de votre espèce de vivre longtemps. Charles XII, qui aurait été un excellent capitaine dans un de vos régiments; Gustave-Adolphe, qui eût été un de vos généraux; Waldstein, à qui vous n'eussiez pas confié vos années; le Grand Électeur, qui était plutôt un précurseur de grand : tout cela n'a pas vécu âge d'homme. Vous savez ce qui arriva à César, qui avait autant d'esprit que vous, et à Alexandre, qui devint ivrogne, n'ayant plus rien à faire; mais vous vivrez longtemps, malgré vos accès de goutte, parce que vous êtes sobre, et que vous savez tempérer le feu qui vous anime, et empêcher qu'il vous dévore.

Je suis fâché que Thorn n'appartienne point à V. M., mais je suis bien aise que le tombeau de Copernic soit sous votre domination. Élevez un gnomon sur sa cendre, et que le soleil, remis par lui à sa place, le salue tous les jours à midi de ses rayons joints aux vôtres.

Je suis très-touché que, en honorant les morts, vous protégiez les malheureux vivants qui le méritent. Morival doit être à Wésel, lieutenant dans un de vos régiments; son véritable nom n'est point Morival, c'est d'Étallonde; il est fils d'un président d'Abbeville. Copernic n'aurait été qu'excommunié, s'il avait survécu au livre où il démontra le cours des planètes et de la terre autour du soleil;a mais d'Étal-


a Nicolai Copernici Torinensis de revolutionibus orbium coelestium libri VI. Norimbergae, 1543, in-4. Voyez t. XXI, p. 238 de notre édition.