<294>Vous sentirez que, en faisant tout cela, je n'ai pas été les bras croisés.
A propos de croisés, ni l'Empereur ni moi ne nous croiserons contre le croissant; il n'y a plus de reliques à remporter de Jérusalem. Nous espérons que la paix se fera peut-être cet hiver; et d'ailleurs nous aimons le proverbe qui dit : Il faut vivre et laisser vivre. A peine y a-t-il dix ans que la paix dure; il faut la conserver autant qu'on le pourra sans risque, et ni plus ni moins se mettre en état de n'être pas pris au dépourvu par quelque chef de brigands, conducteur d'assassins à gages.
Ce système n'est ni celui de Richelieu, ni celui de Mazarin; mais il est celui du bien des peuples, objet principal des magistrats qui les gouvernent.
Je vous souhaite cette paix, accompagnée de toutes les prospérités possibles, et j'espère que le Patriarche de Ferney n'oubliera pas le Philosophe de Sans-Souci, qui admire et admirera son génie jusqu'à extinction de chaleur humaine. Vale.
475. DE VOLTAIRE.
Ferney, 28 octobre 1773.
Monsieur Guibert, votre écolier
Dans le grand art de la tactique,
A vu ce bel esprit guerrier
Que tout prince aujourd'hui se pique
D'imiter, sans lui ressembler,
Et que tout héros germanique,
Espagnol, gaulois, britannique,