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484. AU MÊME.

Potsdam, 16 février 1774.

Vous devez savoir que je suis Teuton de naissance, et que par conséquent la langue française n'est pas ma langue maternelle. Quelque peine que vous vous soyez donnée de m'enseigner les finesses de votre langue, je n'en ai pu profiter autant que je l'aurais voulu, soit par distraction des affaires, soit par une vie active que les devoirs de mon emploi m'ont obligé de mener. J'ai donc pu mal entendre votre ouvrage sur la Tactique, et je n'ai jamais vu que les termes de haine et de donner à tous les diables se soient jamais trouvés dans aucun dictionnaire de billets doux, à moins qu'ils ne fussent écrits par Tisiphone, Mégère ou Alecton. Mais à cela ne tienne; vous avez le privilége de tout dire, et d'ennoblir même par de beaux vers ce qu'on appelle vulgairement des injures. Si Rousseau dit :

Mais à la place de Socrate,
Le fameux vainqueur de l'Euphrate
Sera le dernier des mortels,

il n'a pas tort, dans un sens, parce que Socrate était le plus sage et le plus modéré des mortels, et Alexandre le plus dissolu et le plus emporté des hommes, lui qui dans ses débauches avait tué Clitus, qui dans d'autres mouvements d'emportement avait fait mourir le philosophe Callisthène, et, par faiblesse pour les caprices d'une courtisane, avait brûlé Persépolis.

Il est certain qu'un caractère aussi peu modéré ne pouvait en aucune façon être comparé à Socrate. Mais il est vrai aussi que si Socrate s'était trouvé à la tête de l'expédition contre les Perses, il n'aurait peut-être pas égalé l'activité ni les résolutions hardies par lesquelles Alexandre dompta tant de nations.