<310>J'aimerais autant déclamer contre la fièvre pourprée que contre la guerre. On empêchera aussi peu l'une de faire ses ravages que l'autre de troubler les nations. Il y a eu des guerres depuis que le monde est monde, et il y en aura longtemps après que vous et moi aurons payé notre tribut à la nature.

Votre Morival a eu une permission pour un an pour se rendre en Suisse. Je suis persuadé, comme je vous l'ai déjà écrit, qu'on n'obtiendra rien en sa faveur. Mais enfin il vous verra; il pourra apprendre l'exercice prussien à la garnison française que vous ferez mettre à Versoy.

On dit que cette ville s'élève et fait des progrès étonnants. Le public attribue à vous et à M. de Choiseul sa nouvelle existence. Ce sera sans doute M. d'Aiguillon, nouveau ministre de la guerre, qui mettra la dernière main à cet ouvrage.

En attendant, j'ai toujours la goutte, et je n'écris point contre elle. Et, que vous m'aimiez ou que vous ne m'aimiez pas, je ne vous en souhaite pas moins longue vie et prospérité.

485. DE VOLTAIRE.

(Ferney) 11 mars 1774.

Sire, soyez bien sûr que je suis très-fâché que vous ayez la goutte; ce n'est pas seulement parce que j'en ai eu une violente atteinte, et qu'on plaint les maux qu'on a sentis, mais c'est parce que la santé de V. M. est un peu plus précieuse et plus nécessaire au monde que la mienne; c'est parce que je m'intéresse à votre bien-être beaucoup plus que vous ne croyez. Je ne vous parlerai plus de toutes ces mauvaises plaisanteries sur l'art de tuer; je ne songe qu'à votre conser-