<319>champ à V. M.; nos sous-tyrans velches étaient des monstres bien absurdes. Ce jeune homme, condamné à avoir le poing coupé, la langue arrachée, à être roué, à être jeté dans les flammes, comme s'il avait commis une douzaine de parricides, est le jeune homme le plus sage, le plus circonspect que j'aie jamais vu; il n'a d'un jeune officier que la bravoure. Son éducation avait été très-négligée, comme elle l'est dans toutes les petites villes de France; il apprend chez moi la géométrie, les fortifications, le dessin, sous un très-bon maître; et je réponds à V. M. qu'à son retour il sera en état de vous rendre de vrais services, et qu'il sera très-digne de votre protection dans ce diable de grand art de Lucifer, dont vous êtes le plus grand maître.
J'attends l'occasion de demander pour lui ce que l'humanité, la justice et la raison lui doivent; son père est gentilhomme, et président d'une sotte ville; son oncle est chevalier de Malte; son frère a sollicité la place de bailli de la noblesse; et aucun d'eux n'a osé parler pour lui.
Daignez voir, Sire, si vous voudrez bien protéger, sans vous compromettre, ce brave et vertueux officier, qui vous appartient; voulez-vous m'autoriser à dire qu'il est sous votre protection, et qu'on vous fera plaisir en le favorisant? Il me semble que cette tournure peut lui faire un grand bien sans exposer V. M. au moindre dégoût.
J'avoue que si j'étais à la place de Morival, je me garderais bien de rien demander à des Velches; mais il y est forcé, il ne doit pas abandonner ses héritages. Je supplie V. M. de me pardonner une importunité dont vous approuvez les motifs.
Je me mets à vos pieds avec le respect, l'attachement et les regrets qui me suivront au tombeau.