<33>Je vous prie de consulter Tronchin pour savoir ce qu'il en pense, et s'il croit pouvoir le sauver. Je dois ajouter à ceci, pour le médecin, que les urines sont fort rouges et fort colorées, que l'expectoration sent mauvais, que la faiblesse est grande, l'abattement considérable, qu'il y a tous les symptômes d'une fièvre lente, qui cependant ne paraît point le jour, pendant lequel le pouls est faible. Je souhaite qu'il en ait meilleure espérance que moi.
351. DE VOLTAIRE.a
Château de Tournay, 22 mars 1759.
Sire, je vous le redirai jusqu'à la mort, content ou mécontent de V. M., vous êtes le plus rare homme que la nature ait jamais formé. Vous pleurez d'un œil, et vous riez de l'autre; vous donnez des batailles; vous faites des élégies; vous enseignez les peuples et les rois; vous faites en noble satirique le procès à la satire; et enfin, en faisant marcher cent soixante mille hommes, vous donnez l'immortalité à Jacques-Matthieu Reinhart, maître cordonnier.b On croirait d'abord, sur le titre de cette oraison funèbre, que votre ouvrage ne va pas à la cheville du pied; mais quand on le lit avec un peu de réflexion, on voit bien que vous jouez plus d'un trône et plus d'un autel par-dessous jambes. Je voudrais avoir été un des garçons de Matthieu Reinhart; mais comme, à vos yeux, tous les hommes sont égaux, j'aime autant faire des vers que des souliers. Il est beau à V. M. d'avoir fait le panégyrique d'un cordonnier, dans un temps où, de-
a Cette lettre est tirée du journal Der Freymüthige, 1803, p. 150.
b Voyez t. XV, p. IX et 99.