<341>tional conserve quelque chose de plus mâle, de plus propre à l'application, au travail, et à tout ce qui élève l'âme. Les grands biens font ou des ladres, ou des prodigues.
Vous me comparerez peut-être au renard de La Fontaine, qui trouvait trop aigres les raisins auxquels il ne pouvait atteindre. Non, ce n'est pas cela, maisa des réflexions que la connaissance de l'histoire et ma propre expérience me fournissent. Vous m'objecterez que les Anglais sont opulents, et qu'ils ont produit de grands hommes. J'en conviens; mais les insulaires ont en général un autre caractère que ceux du continent; et les mœurs anglaises sont moins molles que celles des autres Européens. Leur genre de gouvernement diffère encore du nôtre; et tout cela, joint ensemble, forme d'autres combinaisons; sans mettre en considération que ce peuple, étant marin par état, doit avoir des mœurs plus dures que ce qui se voit chez nous autres animaux terrestres.
Ne vous étonnez pas de la tournure de cette lettre; l'âge amène les réflexions, et le métier que je fais m'oblige de les étendre le plus qu'il m'est possible.
Cependant toutes ces réflexions me ramènent à faire des vœux pour votre conservation. Vous êtes le dernier rejeton du siècle de Louis XIV, et si nous vous perdons, il ne reste en vérité rien de saillant dans la littérature de toute l'Europe. Je souhaite que vous m'enterriez, car, après votre mort, nihil est.
C'est avec ces sentiments que le Philosophe de Sans-Souci salue le Patriarche de Ferney. Vale.
Je viens de recevoir les dessins de d'Étallonde, et j'ai examiné Ferney avec autant de soin que j'en aurais mis à examiner Charlottenbourg, et cela, par l'unique raison que vous l'habitez.
a C'est le fruit des réflexions. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 243 et 244.)