<390>Si l'on veut diminuer le fanatisme, il ne faut pas d'abord toucher aux évêques; mais si l'on parvient à diminuer les moines, surtout les ordres mendiants, le peuple se refroidira; celui-là, moins superstitieux, permettra aux puissances de ranger les évêques selon qu'il conviendra au bien de leurs États. C'est la seule marche à suivre. Miner sourdement et sans bruit l'édifice de la déraison, c'est l'obliger à s'écrouler de lui-même. Le pape, vu la situation où il se trouve, est obligé de donner des brefs et des bulles tels que ses chers fils les exigent de lui. Ce pouvoir, fondé sur le crédit idéal de la foi, perd à mesure que celle-ci diminue. S'il se trouve à la tête des nations quelques ministres au-dessus des préjugés vulgaires, le saint-père fera banqueroute. Déjà ses lettres de change et ses billets au porteur sont à demi décrédités. Sans doute que la postérité jouira de l'avantage de pouvoir penser librement, qu'elle ne verra point, comme nous, des horreurs telles qu'en a produit Toulouse, Abbeville, etc. Les Morival de cet heureux siècle n'auront point à craindre les barbaries exercées sur les Morival d'aujourd'hui. Vous n'avez qu'à me l'envoyer directement ici; je le considère comme une victime échappée au glaive du sacrificateur, ou, pour mieux dire, du bourreau.
Je pars pour la Silésie. Je ne pourrai être de retour ici que le 4 ou le 5 du mois prochain; ainsi il aura tout le temps d'arranger son voyage. Dans quelque lieu que je me trouve, mes vœux seront les mêmes pour le Patriarche de Ferney, et, faute de pouvoir l'entendre chemin faisant, je m'entretiendrai avec ses ouvrages. Vale.
P. S. Vous voyagerez avec moi sans vous en apercevoir, et vous me ferez plaisir sans qu'il vous en coûte, et je vous bénirai en chemin comme de coutume.