<429> protestants vinrent chercher un asile chez le Roi votre grand-père. Depuis que je suis au monde, je n'ai vu cette Raison que persécutée; je la laisserai sans doute dans le même état; mais je me consolerai en me flattant qu'elle a un appui inébranlable dans le héros qui a dit :a

Mais, quoique admirateur d'Alexandre et d'Alcide,
J'eusse aimé mieux pourtant les vertus d'Aristide.

Je me mets aux pieds de l'Alcide et de l'Aristide de nos jours.

547. A VOLTAIRE.

Potsdam, 18 juin 1776.

Je reviens,b après avoir visité mes demi-sauvages de la Prusse; et, pour me corroborer, j'ai trouvé ici la lettre que vous avez bien voulu m'écrire.

Je vous remercie du catéchisme des souverains, production que je n'attendais pas de la plume de monsieur le landgrave de Hesse. Vous me faites trop d'honneur de m'attribuer son éducation. S'il était sorti de mon école, il ne se serait point fait catholique, et il n'aurait pas vendu ses sujets aux Anglais,c comme on vend du bétail pour le faire égorger. Ce dernier trait ne s'assimile point avec le caractère d'un prince qui s'érige en précepteur des souverains. La passion d'un intérêt sordide est l'unique cause de cette indigne démarche. Je plains ces pauvres Hessois qui termineront aussi malheureusement qu'inutilement leur carrière en Amérique.


a Épître à mon Esprit. Voyez t. X, p. 258, et ci-dessus, p. 84, 350 et 366.

b Le Roi était de retour à Sans-Souci depuis le 14 juin.

c Voyez t. VI, p. 131.