<442> éloignées, qu'on est souvent bien embarrassé de ce qu'on doit croire des nouvelles de notre Europe.

Cependant soyez sûr que le plus grand crève-cœur que vous puissiez faire à vos ennemis, c'est de vivre en dépit d'eux. Je vous prie de leur bien donner ce chagrin-là, et d'être persuadé que personne ne s'intéresse plus à la conservation du vieux patriarche de Ferney que le solitaire de Sans-Souci. Vale.

554. AU MÊME.

Potsdam, 10 février 1777.

Il vaut mieux que vous ayez terminé vous-même votre affaire avec le duc de Würtemberg que s'il avait fallu recourir à mon assistance. Je jouis de peu de crédit à cette cour, et Son Altesse Sérénissime, surchargée de dettes, a une fluxion d'oreilles qui l'assourdit toutes les fois qu'elle entend le mot payez; et, prononcé par ma bouche, ce mot lui répugnerait encore plus que par celle d'un autre. Il était réservé à votre éloquence victorieuse d'amollir le cœur de bronze du-dit duc, et de le persuader à délier en votre faveur les cordons de sa bourse.a Je vous félicite d'avoir cet embarras de moins, et je me réjouirai si j'apprends que tous vos sujets de chagrin sont dissipés.

L'âge où vous êtes devrait rendre votre personne sacrée et inviolable. Je m'indigne, je me mets en colère contre les malheureux qui empoisonnent la fin de vos jours. Je me suis dit souvent : Comment


a Ce passage, depuis « Je jouis de peu de crédit, » est tiré des Œuvres posthumes, t. IX, p. 338.