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567. A VOLTAIRE.

Potsdam, 17 décembre 1777.

Il est agréable d'avoir le monument de toutes les pensées des hommes qu'on a pu recueillir; pour les ouvrages d'imagination, je prévois qu'il faudra s'en tenir à Homère, Virgile, le Tasse, Voltaire, et l'Arioste. Il semble qu'en tout pays les cervelles se dessèchent, et ne produisent plus ni fleurs, ni fruits. Pour les ouvrages historiques, il faudrait, pour les rendre utiles, les purger, si l'on pouvait, de l'esprit de parti, des fausses anecdoctes et des mensonges. Quant aux métaphysiciens, on n'apprend chez eux que l'incompréhensibilité de nombre d'objets que la nature a mis hors de la portée de notre esprit; et quant à tout le fatras théologique d'auteurs hypocondriaques et fanatiques, il ne mérite pas qu'on perde son temps à lire les chimères ineptes qui leur ont passé par le cerveau. Je ne dis rien de messieurs les géomètres, qui carrent éternellement des courbes inutiles; je les laisse avec leurs points sans étendue et leurs lignes sans profondeur, ainsi que messieurs les médecins, qui s'érigent en arbitres de notre vie, et qui ne sont que les témoins de nos maux. Que vous dirai-je des chimistes, qui, au lieu de créer de l'or, le dissipent en fumée par leurs opérations?

Il ne reste donc, pour notre utilité et pour notre consolation, que les belles-lettres, qu'on a nommées à juste titre les lettres humaines; et c'est à elles que je m'en tiens.a Le reste peut être utile dans une capitale où des amateurs mal partagés des dons de la fortune ne peuvent pas vérifier des citations qu'ils ont trouvées en d'autres livres, et dont ils trouvent là les originaux; et voilà à quoi cette bibliothèque est destinée. Mais les Œuvres de Voltaire y occupent la


a Voyez ci-dessus, p. 380.