360. DE VOLTAIRE.
(Aux Délices) 19 mai 1709.
Sire, vous êtes aussi bon frère que bon général; mais il n'est pas possible que Tronchin aille à Schwedt, auprès du prince votre frère; il y a sept ou huit personnes de Paris, abandonnées des médecins, qui se sont fait transporter à Genève ou dans le voisinage, et qui croient ne respirer qu'autant que Tronchin ne les quitte pas. V. M. pense bien que parmi le nombre de ces personnes je ne compte point ma pauvre nièce, qui languit depuis six ans. D'ailleurs, Tronchin gouverne la santé des enfants de France, et envoie de Genève ses avis deux fois par semaine; il ne peut s'écarter; il prétend que la maladie de monseigneur le prince Ferdinand sera longue. Il conviendrait peut-être que le malade entreprît le voyage, qui contribuerait encore à sa santé en le faisant passer d'un climat assez froid dans un air plus tempéré. S'il ne peut prendre ce parti, celui de faire instruire Tronchin toutes les semaines de son état est le plus avantageux.
Comment avez-vous pu imaginer que je pusse jamais laisser prendre une copie de votre écrit adressé à M. le prince de Brunswic?a Il y a certainement de très-belles choses; mais elles ne sont pas faites pour être montrées à ma nation. Elle n'en serait pas flattée; le roi de France le serait encore moins; et je vous respecte trop l'un et l'autre pour jamais laisser transpirer ce qui ne servirait qu'à vous rendre irréconciliables. Je n'ai jamais fait de vœux que pour la paix. J'ai encore une grande partie de la correspondance de madame la margrave de Baireuth avec le cardinal de Tencin, pour tâcher de procurer un bien si nécessaire à une grande partie de l'Europe. J'ai été le dépositaire de toutes les tentatives faites pour parvenir à un but si désirable; je n'en ai pas abusé, et je n'abuserai pas de votre confiance
a Voyez t. XII, p. 9-16.