<57> vous avez obtenue, après avoir couru soixante ans pour l'attraper. Adieu; je vous souhaite paix et salut. Ainsi soit-il!
P. S. Mais êtes-vous sage à soixante-dix ans? Apprenez, à votre âge, de quel style il vous convient de m'écrire. Comprenez qu'il y a des libertés permises et des impertinences intolérables aux gens de lettres et aux beaux esprits. Devenez enfin philosophe, c'est-à-dire raisonnable. Puisse le ciel, qui vous a donné tant d'esprit, vous donner du jugement à proportion! Si cela pouvait arriver, vous seriez le premier homme du siècle, et peut-être le premier que le monde ait porté; c'est ce que je vous souhaite. Ainsi soit-il!
363. AU MÊME.a
Reich-Hennersdorf, 20 juin 1759.
Si j'étais du temps de l'ancienne chevalerie, je vous aurais dit que vous en avez menti par la gorge, en avançant au public que je vous ai écrit pour défendre mon Histoire de Brandebourg contre les sottises qu'en dit un abbé en ic ou en ac.b Je me soucie très-peu de mes ouvrages; je n'ai point pour eux cet amour enthousiaste qu'ont les célèbres auteurs pour le moindre mot qui leur échappe; je ne me battrai avec personne, ni pour ma prose, ni pour mes vers, et l'on en jugera ce que l'on voudra, sans que cela me cause d'insomnies. Je vous prie donc de ne vous point échauffer pour un sujet si mince, qui ne mérite pas que vous vous déchaîniez contre mes ennemis lit-
a Tirée de l'édition de Bâle, t. II, p. 302 et 303.
b Voyez ci-dessus, p. 32 et 34, et Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XII, p. 481 et 482.