391. AU MÊME.
Breslau, 1er septembre 1766.121-a
Vous aurez vu, par ma lettre précédente, que des philosophes paisibles doivent s'attendre d'être bien reçus chez moi. Je n'ai point vu le fils de l'Hippocrate moderne, et ne lui ai point parlé. Je ne sais ce qui peut être transpiré du dessein de vos philosophes; je m'en lave les mains. Je suis ici dans une province où l'on préfère la physique à la métaphysique; on cultive les champs, on a rebâti huit mille maisons, et l'on fait des milliers d'enfants par an, pour remplacer ceux qu'une fureur politique et guerrière a fait périr.
<122>Je ne sais si, tout bien considéré, il n'est pas plus avantageux de travailler à la population qu'à faire de mauvais arguments. Les seigneurs et le peuple, occupés de leur rétablissement, vivent en paix; et ils sont si pleins de leur ouvrage, que personne ne fait attention au culte de son voisin. Les étincelles de haine de religion, qui se ranimaient souvent avant la guerre, sont éteintes; et l'esprit de tolérance gagne journellement dans la façon de penser des habitants. Croyez que le désœuvrement donne lieu à la plupart des disputes. Pour les éteindre en France, il ne faudrait que renouveler les temps des défaites de Poitiers et d'Azincourt; vos ecclésiastiques et vos parlements, fortement occupés de leurs propres affaires, ne penseraient qu'à eux, et laisseraient le public et le gouvernement tranquilles. C'est une proposition à faire à ces messieurs; je doute toutefois qu'ils l'approuvent.
Vos ouvrages sont répandus ici, et entre les mains de tout le monde. Il n'y a point de climat, point de peuple où votre nom ne perce, point de société policée où votre réputation ne brille.
Jouissez de votre gloire, et jouissez-en longtemps. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.
121-a Voyez t. XIX, p. 458, no 303.