83. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Pillnitz, 22 juin 1767.
Sire,
Me voici à la campagne avec l'Administrateur et mon fils; je me promène, je respire le grand air, je cherche à oublier mes peines, et, jouissant du spectacle de la nature, je m'attache aux objets doux et agréables. Ils ne me font point oublier que je dois une réponse à V. M. Ses lettres me sont trop précieuses, et j'aime à penser qu'elle veut bien s'occuper un instant des miennes. Mais il faut que je prenne mon temps, pour ne point jeter des bagatelles au travers des grandes choses. Vous venez, Sire, de faire le roi, le guerrier pacifique. Ces soins sont dignes de vous; il est bien de se maintenir dans une posture respectable, et je suis persuadée que vous désirez d'en rester là. Mais vous refusez, Sire, de faire l'apôtre de la paix. Je n'ai garde de vous le proposer. Il est plus d'une façon de la prêcher, cette paix, et lorsqu'on commande à cent mille braves gens bien exercés, bien équipés, on a, sans faire les frais d'une homélie, des arguments bien persuasifs. Mais enfin, Sire, je suis contente, et vous me réjouissez en me pronostiquant la durée de la paix; car, sauf toute modestie, vous me permettrez que je vous regarde comme un excellent pronostiqueur dans cette matière, et en toute autre.
Je me proposais de féliciter V. M. sur la naissance de la princesse de Prusse, et je me complaisais, de mon côté, dans ma nouvelle qualité de tante. De différents événements sont survenus; je ne veux pas en retracer l'image à V. M. Elle connaît mes sentiments, dans lesquels je serai constamment, etc.