<166>lents aimables d'un particulier ne serait plus, par mes conseils, qu'un philosophe sauvage! Que diraient vos sujets et vos virtuosi de toute espèce? De grâce, Sire, ne me brouillez pas avec tant d'honnêtes gens, tandis que vous entretenez la paix avec tout le monde, jusqu'aux jésuites inclusivement. Rien de plus judicieux que le parti que V. M. prend à leur égard. Si l'on savait toujours assigner aux hommes la place qu'ils doivent tenir, et les empêcher d'en sortir, les divisions ne régneraient plus sur la terre; les jésuites ne songeraient qu'à enseigner le latin, et les citoyens de Genève ne voudraient plus empiéter sur l'autorité de leurs magistrats. Le genre humain y gagnerait sans contredit, mais les gazetiers y perdraient, et c'est toujours une espèce qui trouverait son malheur dans le bien général; tant il est vrai que les philosophes auront bien de la peine à décider pour l'affirmative, dès que V. M. leur parlera d'un bonheur général suivi et indépendant. Il faut bien que l'homme n'en soit point susceptible, puisque le bonheur même du grand Frédéric ne dépend pas uniquement de son âme; mais aussi peut-on se consoler d'un sort qu'on partage avec lui, et quant à moi, j'en suis toute consolée; je n'ai pas à me plaindre avec l'estime de V. M., et jouissant de l'avantage de vous assurer de l'admiration sans bornes avec laquelle je suis, etc.

96. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

18 mars 1768.



Madame ma sœur,

Je vois que Votre Altesse Royale désapprouve la rigidité de la doctrine de Zénon, et qu'elle y préfère une philosophie plus douce. Vous