<244>breuse compagnie pendant la guerre, et qui maintenant n'est ni moins appliqué ni moins heureux à diminuer le nombre de ceux qui, dans la grande règle, devraient aller les voir. Je me mets de ce nombre, Sire; les conseils que V. M. veut bien me donner me serviront encore plus de guide que l'avis de mes esculapes. J'emmène celui de mon frère et un des nôtres. Je me promets bien de ne pas me jouer avec les nymphes des eaux où je vais, avec celle de Spa surtout. Je sais qu'elle n'est pas d'un commerce bien sûr, et au surplus passablement maussade. L'avertissement de V. M. me met encore plus sur mes gardes, et je serai bien attentive aux effets des eaux avant d'oser m'y attacher. Si l'on pouvait compter sur la raison des nymphes, j'aurais lieu de présumer que celle de Spa me traiterait mieux qu'une autre, et qu'elle voudrait mériter l'honneur que V. M. lui destine, honneur qui n'est, de mon su, arrivé à aucune naïade depuis qu'il en existe dans l'imagination des poëtes. Il serait glorieux pour elle et encore plus pour moi; et quoi de plus touchant, Sire, que ce temple que vous destinez à l'amitié? Il me rappelle ceux que V. M. élève dans ses magnifiques jardins de Sans-Souci.a Je préférerais à l'avantage de regarder la robe de chambre de Charlemagne le bonheur de revoir ces temples, et d'y porter ce tribut d'admiration dû sans doute au tolérant et sublime protecteur de l'humanité bien plus qu'au destructeur de nos ancêtres.
Je pars le 3 de juin, pénétrée de ces sentiments, ainsi que je serai toute ma vie touchée de l'excès de vos bontés, Sire, et toujours occupée, plus que de toute autre chose, de la haute estime et de l'attachement infini avec lequel je suis, etc.
a Le temple des antiquités et celui de l'Amitié, bâtis tous deux en 1768. Voyez t. XIX, p. 456, et t. XXIII, p. 293; voyez aussi H. L. Manger's Baugeschichte von Potsdam, p. 314-316.