<245>

148. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Salzthal, 7 juin 1771.



Madame ma sœur,

Je remercie Votre Altesse Royale des bontés infinies qu'elle daigne me témoigner dans sa lettre, et je la suis comme des yeux dans son voyage d'Aix-la-Chapelle. Elle en est aujourd'hui à sa quatrième journée; mais comme j'ignore la route qu'elle a prise, je la crois à présent entre Leipzig, le Harz et la Hesse. Je remercie V. A. R. de la résolution qu'elle a prise de se servir des eaux minérales en tâtonnant, et sans en prendre au commencement en trop grande quantité; je la prie de vouloir encore consulter les médecins qui se trouvent aux bains, pour donner le moins que possible au hasard, en assurant ses pas dans cette cure les uns après les autres. C'est, madame, ce que me dicte mon dévouement et mon attachement pour votre personne précieuse et incomparable. Quand il s'agit, madame, de vous conserver, on n'y saurait apporter assez de précautions; il faut même user de celles qui paraîtraient superflues dans d'autres cas. Mais si les nymphes de Spa pouvaient m'entendre; si elles aimaient de mauvais vers comme les miens; si l'on pouvait les fléchir par des ex-voto, par de l'encens, par la promesse de temples, je n'épargnerais rien pour vous les rendre favorables. Que V. A. R. me permette d'employer pour elle cette strophe qu'Horace adresse à Virgile :

Cara nave, che porti teco
Un tesor che va in Atene,
Voglia il ciel che senza penar
Giunghi in porto senza penar.a

Je me trouve ici pour quelques jours chez mes parents, pour revoir une vieille et bonne sœur qui, je me flatte, aurait l'approbation


a Horace, Odes, liv. I, ode 3. Voyez t. XIX, p. 236, et t. XXI, p. 73.