<27>Pour peu que M. d'Alembert se donne de peine, il me trouvera quelque sujet, ne fût-ce qu'un ex-jésuite.
23. AU MÊME.
Burkersdorf, (août) 1778.
Je vous suis obligé des anecdotes que vous me rapportez au sujet du défunt patriarche;a je souhaiterais que vous me mandiez plutôt ce qu'il faisait vivant que ce qu'il a dit. Le tumulte des camps, et la dure besogne dont je suis chargé, m'empêchent d'entreprendre maintenant son Éloge; je renvoie cet ouvrage au quartier d'hiver; mais je crains que l'orateur soit trop inférieur à la matière qu'il doit traiter. C'est bien dommage que la bibliothèque de ce grand homme soit enlevée, pour ainsi dire, à l'Europe.b Notre siècle dégénère; il n'y a plus, comme autrefois, des amateurs des beaux-arts et des sciences. Si ces arts se perdent, comme je prévois que cela arrivera, à quoi l'attribuer qu'au peu de cas que l'on en fait? Pour moi, je les aimerai jusqu'au dernier soupir de ma vie. Quoique né avec des talents circonscrits dans des bornes étroites, je ne trouve de consolation pour supporter le fardeau de la vie qu'avec les Muses; et je vous assure que si j'avais été maître de mon destin, ni l'orgueil du trône, ni le fier commandement des armées, ni le frivole goût des dissipations, ne l'auraient emporté sur elles. Je sacrifie aux lettres le peu de moments de loisir dont je puis disposer, et je regrette d'autant plus Voltaire, que le
a Voltaire, mort le 30 mai.
b Voyez la lettre de d'Alembert à Frédéric, du 15 août 1778.