<282> un poëme lyrique. J'ai éprouvé, Sire, que les moments où l'on rentre dans le sein de la famille sont des plus touchants pour une âme sensible. Je conçois donc toute la satisfaction qu'aura ressentie la charmante princesse d'Orange dans la même occasion. Je l'aime, je l'honore plus que je ne puis le dire, et je me représente au vif les heureux moments qu'elle passe auprès de V. M. C'est précisément cette image que vous avez la cruauté de rendre encore plus frappante. Ne savez-vous pas, Sire, qu'il n'en faut pas tant à l'imagination d'une femme, surtout lorsque tous les sentiments de son âme sont de la partie? Vous en êtes puni par la longueur de ma lettre. J'ai tâché de me faire illusion sur un bonheur que je ne possède pas. Cette illusion disparaît en quittant la plume; est-il donc étonnant de la poser le plus tard que je puis?

Je suis avec la plus haute estime et l'admiration la plus constante, etc.

170. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Le 29 juillet 1773.



Madame ma sœur,

Quoique Votre Altesse Royale ait le don de persuader tout ce qu'elle veut, malgré l'ascendant que son génie a sur mon esprit, elle ne me convaincra pas cependant de l'accomplissement de mes prophéties, parce que l'événement n'a pas répondu à ce que j'ai eu, madame, la témérité de vous annoncer. La guerre continue, et l'on se bat, vers les bords du Pont-Euxin, de meilleur cœur que jamais. Cependant, madame, il nous faut un mois pour avoir des nouvelles de ces champs où Bellone exerce ses fureurs; le bruit des armes et le tonnerre artificiel ne retentissent point à nos oreilles; les Muses de l'Elbe et de