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175. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 3 janvier 1774.



Sire,

Que votre dernière lettre est aimable, Sire! Que d'esprit, que de délicatesse, et que de bonté pour moi! A peine la mériterais-je, si en effet j'étais telle que V. M. veut bien me voir. Mais je sais trop à quoi m'en tenir. Vous réfléchissez sur ce qui vous approche un jour lumineux qui ne part que de vous-même, et c'est l'élévation de votre âme que vous avez peinte en croyant faire parler la mienne. Mon confesseur ne prendrait pas le change sur la confession que vous me prêtez. Le bonhomme y reconnaîtrait votre image; il vous a vu de loin à votre Olympe de Sans-Souci; il a lu vos grandes actions dans les gazettes. Il se doute bien un peu que V. M. n'est pas fort entêtée du dogme; mais puisqu'une fois vous êtes hérétique, le plus ou le moins le blesse médiocrement. Vous ouvrez un asile aux jésuites, tandis que des rois très-orthodoxes les chassent de chez eux; cela est bien méritoire auprès du bon père, surtout puisqu'il se flatte d'y avoir contribué par la harangue impromptu qu'il vous fit à Sans-Souci; d'ailleurs, on tient toujours un peu à ses amis dès l'enfance. Voyez, Sire, si après j'en serais bien reçue à me revêtir de votre gloire, et s'il ne réprouverait pas, comme de raison, un orgueil aussi impardonnable. Ne me dites donc plus ce que je devrais être pour devenir, en ma petite sphère, sublime comme vous l'êtes dans tout ce que l'humanité a de plus relevé. La distance infinie qui nous sépare m'en devient plus frappante, et la crainte de vous la faire sentir davantage me glace chaque fois que je vais répondre à des lettres que je reçois avec transport. La chaleur avec laquelle V. M. fait l'éloge de la paix m'a enchantée; quand je ne l'aimerais pas par goût, cette paix dont vous me promîtes la continuation, ne devrais-je pas la chérir par