177. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Dresde, 18 février 1774.
Sire,
Votre Majesté voudra bien m'excuser si j'ai tant tardé de répondre à votre charmante lettre. Le mariage de ma fille Amélie avec le prince Charles de Deux-Ponts m'a obligée de sacrifier mes plaisirs les plus chers aux devoirs maternels. Il n'en est pas de moi comme d'un héros que j'admire; de petits soins m'occupent tout entière, tandis qu'il forme et défait des États sans priver un instant ses admirateurs des marques précieuses de son souvenir. Nos noces se sont passées sans beaucoup de cérémonie; le prince ne nous a pas donné le temps d'en faire, et nous n'avons pu nous refuser à son empressement. Je me flatte qu'il rendra heureuse ma fille, très-disposée par la douceur de son caractère à le devenir. Les nouveaux mariés passeront encore avec nous quelques jours, pendant lesquels nous vivrons en famille, comme les patriarches, goûtant à longs traits les délices de la concorde et de la tranquillité. Malheureusement cela ne sera pas long, et les larmes succéderont dans peu aux tendres transports de joie qui ont rempli mon cœur dans ces doux moments. L'Électeur palatin fait à nos jeunes gens un établissement convenable à Neubourg, où ils fixeront leur résidence. Ils ont, de plus, quelques belles perspectives; mais c'est dans un lointain qu'ils ne désirent pas de voir rapprocher. Si tous mes vœux sont exaucés, si Frédéric, né pour vivre éternellement dans l'histoire, atteint également le dernier terme de la vie humaine, n'oubliez pas, dans le cas que ces perspectives viennent à se réaliser, n'oubliez pas pour lors ces enfants d'une mère qui leur inspira de bonne heure une admiration inexprimable pour le plus grand des héros. On m'a beaucoup remerciée de la recommandation que j'avais hasardée pour les héritiers Lubomirski; ils espèrent tout