<310> R. P. Kreitl, m'a priée de le mettre très-humblement aux pieds de V. M., l'unique protecteur de sa défunte société.
189. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
(Potsdam) 18 juin 1775.
Madame ma sœur,
Rien ne serait plus propre à me faire tourner la tête qu'une lettre telle que V. A. R. a eu la bonté de m'écrire. Quel mortel ne s'enorgueillirait pas, madame, d'avoir pu vous inspirer de l'amour pour la vie? Mais V. A. R. doit se complaire dans ce monde, qui ne favorise pas autant ceux qui l'habitent qu'il a répandu de distinctions marquées, madame, sur votre auguste personne. V. A. R. ne peut pas se refuser à la satisfaction de se dire en elle-même : Partout, en ce moment, on m'applaudit, on me chérit; je fais les délices de ma famille, la ressource des malheureux, l'ornement de la cour où je me trouve; tous ceux qui m'ont vue m'aiment et m'admirent. Avouez, madame, que, avec cette douce satisfaction, il est impossible que V. A. R. haïsse la vie; elle voit partout des personnes qui s'intéressent sincèrement à sa conservation, parmi lesquelles j'ose espérer qu'elle daignera me compter des premiers.
Hélas! madame, les conquérants ont été bien éloignés d'être des sages. Des passions excessives, une vie perpétuellement active, laissent peu de temps aux réflexions des Tamerlan, des Alexandre, des Gengis, des Charles XII; je suis persuadé qu'aucun ne pensait à autre chose qu'à ses projets d'ambition. César est le seul des ces héros qui fasse exception à la règle; Cicéron nous apprend qu'il aurait pu être