195. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Nymphenbourg, 4 juillet 1776.
Sire,
Si votre admiratrice a été trop longtemps sans vous porter le tribut de son hommage, plaignez-la, mais ne la blâmez point. Voyageant depuis trois ou quatre mois d'une de mes familles à l'autre, tantôt occupée de plaisirs, tantôt d'amertumes domestiques, mon esprit, je l'avoue, ne s'est pas trouvé en essor digne de communiquer avec le plus grand des hommes; mais il n'en a pas moins été rempli de lui. La dernière lettre que V. M. m'a fait l'honneur de m'écrire, et qui, par mes différentes courses, s'est égarée et n'est venue me rejoindre qu'ici, a fait mes délices. Je ne me lasse pas de la lire, et j'ai été transportée de joie en voyant les assurances que vous me donnez sur votre santé se confirmer de plus en plus. Je ne sais si mes vœux sont d'une grande efficace; mais quand il s'agit de Frédéric, de son bonheur, il n'y en a pas de plus fervents, ni de plus continuels. Peut-être ne sont-ils pas assez désintéressés. Citoyenne du monde, et de l'Europe surtout, je dois partager le plus grand de ses intérêts, et souhaiter pour elle la conservation du héros du siècle et de tous les siècles. Honorée des bontés de ce roi sublime, je dois désirer de voir durer toujours le rayon de lumière qu'il réfléchit sur moi. Avec de pareils retours sur moi-même, j'aurais tort de me vanter d'un parfait désintéressement; mais V. M. ne me demande pas tant de platonisme, et vous souffrez que le bien que vous faites à l'humanité, et la gloire dont vous la couvrez, entrent pour quelque chose dans les sentiments qu'on a pour vous. Vivez, Sire, pour ce bien et cette gloire. C'est la voix de l'Europe, c'est le cri général de la raison; ils retentissent dans mon âme autant et plus que dans aucun endroit de l'univers. Les souhaits de V. M. pour ma fille lui ont porté bonheur. Quand