<4> devenir fou, et je prévois que si cela dure, on m'enfermera, à la fin de la campagne, dans les Petites-Maisons de Liegnitz, où vous m'avez vu loger. Adieu, mon cher; exaltez bien votre âme, si vous en avez le don, et apprenez-moi, si vous le pouvez, quand ceci finira.

3. AU MÊME.

Neustadt ( près de Meissen) 21 novembre 1760.a

Je vous vois arrivé à Berlin dans un temps où vous ne trouverez que de tristes vestiges de ce que la ville fut autrefois. Vous vous faites une idée trop brillante de notre situation; elle n'est pas telle que vous l'imaginez :

Ailleurs on nous envie, ici nous gémissons.b

Nous nous sommes battus en désespérés pour regagner la maudite position de l'année passée; voilà pourquoi tant de sang a été répandu. Mais si cette bataillec ne s'était pas donnée, nous serions peut-être aux antipodes. Commandez-moi, je vous prie, un Cicéron complet, et les meilleures éditions de ce que nous avons des abbés d'Olivet et Gombaut,d la tragédie de Tancrède, de Voltaire, le Pauvre Diable,


a Cette lettre est datée, par erreur, du 24 novembre 1760 dans le Supplément aux Œuvres posthumes, t. III, p. 38, et dans la traduction allemande, t. XII, p. 127.

b Ce vers de Sémiramis, tragédie de Voltaire, acte I, scène I, est déjà cité t. XIX, p. 230 et 232 de notre édition.

c Celle de Torgau, livrée le 3 novembre 1760.

d Gombaut, de l'Académie française, mort en 1666; il est cité dans le second chant de l'Art poétique de Boileau.