<419> Ces sentiments, Sire, resteront éternellement gravés dans mon cœur, avec le souvenir de vos bienfaits.a
Si V. M. a quelques ordres à me donner, je m'en acquitterai avec le zèle que ces sentiments m'inspirent.
Je suis avec le plus profond respect, etc.
16. A D'ALEMBERT.
(Sans-Souci, 15 ou 16 août 1763.)
Je suis fâché de voir approcher le moment de votre départ, et je n'oublierai point le plaisir que j'ai eu de voir un vrai philosophe. J'ai été plus heureux que Diogène, car j'ai trouvé l'homme qu'il a cherché si longtemps; mais il part, il s'en va. Cependant je conserverai la place de président de l'Académie, qui ne peut être remplie que par lui. Un certain pressentiment m'avertit que cela arrivera, mais qu'il faut attendre jusqu'à ce que son heure soit venue. Je suis tenté quelquefois de faire des vœux pour que la persécution des élus redouble en certains pays; je sais que ce vœu est en quelque sorte criminel, puisque c'est désirer le renouvellement de l'intolérance, de la tyrannie, et de ce qui tend à abrutir l'espèce humaine. Voilà où j'en suis .... Vous pouvez mettre fin, quand vous le voudrez, à ces souhaits coupables, qui blessent la délicatesse de mes sentiments. Je ne vous presse point, je ne vous importunerai pas, et j'attendrai en silence le moment où l'ingratitude vous obligera de prendre pour
a Voyez, dans le second Appendice, à la fin de cette correspondance, la lettre que d'Alembert écrivit de Sans-Souci, le 25 juin 1763, à madame du Deffand, au sujet de son séjour auprès de Frédéric.