35. DU MÊME.
Paris, 12 décembre 1766.
Sire,
Votre Majesté recevra incessamment, ou peut-être aura déjà reçu depuis quelques jours une très-faible et très-mince production de son admirateur; c'est un cinquième volume de mes Mélanges de littérature, pour lequel je demande à V. M. les mêmes bontés et la même indulgence dont elle a déjà bien voulu honorer les volumes précédents. Ce volume, Sire, ne contient guère que des choses déjà connues de V. M.; j'y ai pourtant fait quelques changements, non pas toujours pour le mieux, mais pour ne pas trop blesser les charlatans en tout genre qui veulent dominer sur les esprits; j'y ai inséré, avec les additions qui m'ont paru nécessaires pour le public, et les modifications que certaines matières exigeaient, la plus grande partie des éclaircissements que j'ai eu l'honneur de présenter à V. M. sur mes Éléments de philosophie. Il est pourtant certains articles que j'ai cru devoir supprimer, parce que je suis élevé, non comme M. Chicaneaua dans la crainte de Dieu et des sergents, mais dans la crainte de Dieu et des prêtres, et des parlements qui ne valent pas mieux.
Je prie très-humblement V. M. de vouloir bien, à ses heures perdues, ou plutôt dans ses instants de délassement (car elle n'a point d'heures à perdre), jeter les yeux sur ce volume, et m'éclairer de ses réflexions et de ses vues; elle trouvera en moi la docilité qu'un philosophe doit à celui qu'il regarde comme son chef et son modèle. Ce qui rend, Sire, ce volume intéressant à mes yeux, c'est l'occasion que j'ai eue d'y exprimer en divers endroits, avec la vérité dont je fais
a Chicaneau dit, dans les
Plaideurs
de Racine, acte II, scène IV :Et j'ai toujours été nourri par feu mon père
Dans la crainte de Dieu, monsieur, et des sergents.