<475> chassés de la moitié de l'Europe, et du Paraguay même; les possessions qui leur restent ailleurs me semblent précaires. Je ne répondrai pas de ce qui leur arrivera en Autriche, si l'Impératrice-Reine vient à mourir; pour moi, je les tolérerai tant qu'ils seront tranquilles, et qu'ils ne voudront égorger personne. Le fanatisme de nos pères est mort avec eux; la raison a fait tomber le brouillard dont les sectes offusquaient les yeux de l'Europe. Ceux qui sont aveugles et cruels peuvent encore persécuter; ceux qui sont éclairés et humains doivent être tolérants. Que cette odieuse persécution soit un crime de moins pour notre siècle, c'est ce qu'on doit attendre des progrès journaliers que fait la philosophie; il serait à souhaiter qu'elle influât autant sur les mœurs que la philosophie des anciens. Je pardonne aux stoïciens tous les écarts de leurs raisonnements métaphysiques, en faveur des grands hommes que leur morale a formés. La première secte pour moi sera constamment celle qui influera le plus sur les mœurs, et qui rendra la société plus sûre, plus douce et plus vertueuse. Voilà ma façon de penser; elle a uniquement en vue le bonheur des hommes et l'avantage des sociétés.
N'est-il pas vrai que l'électricité et tous les prodiges qu'elle découvre jusqu'à présent n'ont servi qu'à exciter notre curiosité? n'est-il pas vrai que l'attraction et la gravitation n'ont fait qu'étonner notre imagination? n'est-il pas vrai que toutes les opérations chimiques se trouvent dans le même cas? Mais en vole-t-on moins sur les grands chemins? vos traitants en sont-ils devenus moins avides? rend-on plus scrupuleusement les dépôts? calomnie-t-on moins, l'envie est-elle étouffée, la dureté de cœur en est-elle amollie? Qu'importent donc à la société ces découvertes des modernes, si la philosophie néglige la partie de la morale et des mœurs, en quoi les anciens mettaient toute leur force? Je ne saurais mieux adresser ces réflexions, que j'ai depuis longtemps sur le cœur, qu'à un homme qui, de nos jours, est l'Atlas de la philosophie moderne, qui, par