47. DE D'ALEMBERT.
Paris, 15 avril 1768.
Sire,
J'ai déjà eu l'honneur de faire à Votre Majesté mes très-humbles remercîments du bel Éloge qu'elle a bien voulu m'envoyer, et de lui dire combien cet ouvrage m'avait paru éloquent et pathétique. Toutes les âmes sensibles qui l'ont lu en ont été aussi touchées que moi, et font des vœux pour que la nature augmente les jours de l'auguste orateur de ceux qu'elle a refusés à son illustre neveu, si dignement célébré par elle.
Si quelque chose, Sire, peut être comparé à cet éloquent ouvrage, ce sont les excellentes réflexions dont V. M. veut bien me faire part au sujet de l'excommunication du duc de Parme. La comparaison qu'elle fait du grand lama à un vieux danseur de corde qui, dans un âge d'infirmité, veut répéter ses tours de force, tombe, et se casse le cou, est aussi juste et aussi philosophique que piquante; on la répète de bouche en bouche, et cette seule parole vaut mieux que toutes les grandes écritures du conseil d'Espagne et du parlement de Paris au sujet de cette belle équipée.
L'excommunié Marmontel, à qui j'ai fait part de l'endroit qui le regarde dans la lettre de V. M., me charge de lui dire que le paradis, le purgatoire, les limbes, l'enfer même, lui sont assez indifférents, pourvu qu'il ait l'honneur d'y être à la suite de V. M.
Quant à Voltaire, je ne sais s'il est excommunié, mais il ne se tient pas pour tel; car il vient de faire ses pâques en grand gala en son église seigneuriale de Ferney, et après la cérémonie, il a fait à ses paysans un très-beau sermon contre le vol. Il se prétend ruiné, et vient en conséquence de faire maison nette, même de sa nièce,a
a Madame Denis. Voyez t. XXII, p. 354 et 355, et t. XXIII, p. 62.