49. DE D'ALEMBERT.
Paris, 20 juin 1768.
Sire,
J'en demande pardon à Votre Majesté, je reconnais toute sa supériorité en politique comme en tout le reste, mais je ne vois pas autant d'avantages qu'elle pour la malheureuse philosophie dans toutes les sottises qu'il plaît au Saint-Esprit d'inspirer au grand lama. Je m'attends seulement que le très-saint père recevra de ses très-chers enfants les princes catholiques quelques coups de pied dans le ventre, ou dans le derrière, comme il plaira à V. M.; mais je n'espère pas qu'aucun philosophe devienne ni grand aumônier, ni confesseur. En attendant la fortune que V. M. a la bonté de leur prédire, ils continueront à être vilipendés et persécutés; ils souffriraient patiemment le premier, si on voulait bien leur faire grâce du second; et en cas qu'on leur épargnât les coups, ils diraient volontiers comme Sosie dans Amphitryon :a
.... Pour des injures,
Dis-m'en tant que tu voudras;
Ce sont légères blessures,
Et je ne m'en fâche pas.
Quoi qu'il en soit, le Fils aîné de l'Église vient, avec tout le respect possible, de se saisir d'Avignon, en y envoyant, non pas une armée, mais un détachement du parlement d'Aix, qui en a pris possession en robes rouges et avec beaucoup de politesse. Nous faisons la guerre au pape l'épée au côté et la plume à la main; mais en récompense, nous sommes prêts à jeter les philosophes dans le feu au premier signal.
Je remercie très-humblement V. M. de l'intérêt qu'elle veut bien
a Comédie de Molière, acte I, scène II.