<528> Je suis avec le plus profond respect, la plus grande admiration et la plus vive reconnaissance, etc.
71. A D'ALEMBERT.
Le 3 avril 1770.
Je souhaiterais que votre santé, plus forte et plus vigoureuse, vous permît d'étendre vos lettres, parce que, en discutant beaucoup les matières, on les éclaircit, et que vos lumières peuvent m'instruire. S'il s'agissait de plaisanter, je terrasserais bien vite la difficulté que vous me faites naître, en répondant que ce n'est pas à un Français à la proposer, à un Français qui voit honorer chez lui les plus gros voleurs, et rouer ceux qui ont pris trop peu. Vous voyez aborder toute la France chez vos fermiers généraux, chez vos receveurs, vos trésoriers, etc., tous gens qui font métier de dépouiller votre roi et son royaume. Mais j'abandonne cette défense de ma cause, qui n'est pas digne de sa gravité ni de son importance, et reprenant mon sérieux et ma physionomie de pédagogue, je vous dirai que le cas, mon cher d'Alembert, que vous me proposez ne peut presque pas arriver, parce que tous les cœurs ne sont pas également endurcis, et qu'il se trouve dans toutes les communautés et dans toutes les sociétés de bonnes âmes, sensibles aux cris de la misère. Toutefois, si par impossible il se trouvait une famille dépourvue de toute assistance et dans l'état affreux où vous la dépeignez, je ne balancerais pas à décider que le vol lui devient légitime : 1° parce qu'elle a éprouvé des refus, au lieu de recevoir des secours; 2° parce que se laisser périr, soi, sa femme et ses enfants, est un bien plus grand crime que de