<538> peut, son existence heureuse dans cette vie-ci, la seule dont on peut jouir. La maladresse de l'auteur parait surtout en ce qu'il calomnie la religion chrétienne. J'avoue qu'il faut être bien novice pour lui imputer des crimes. Il est dit dans l'Évangile : « Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu'on vous fasse. »a Or ce précepte est le résumé de toute la morale; il est donc ridicule et c'est une exagération outrée d'avancer que cette religion ne l'ait que des scélérats; il ne faut jamais confondre la loi et l'abus. La loi peut être utile, et l'abus pernicieux; et quand on marque tant d'animosité contre ce que l'on attaque, on se décrédite soi-même, et l'on perd la confiance du lecteur. Voilà comme pense un amateur de la sagesse solitaire, reclus dans sa petite vigne, où il médite comme un autre sur les folies des hommes, et sur toutes les opinions bizarres et ridicules qui leur ont passé par la tête; et c'est là où il fait des vœux à la nature pour que l'enchaînement nécessaire des causes maintienne longtemps votre espèce organisée à l'abri des infirmités, des souffrances et de la dissolution. Sur ce, etc.
76. DE D'ALEMBERT.
Paris, 8 juin 1770.
Sire,
Dans l'état de faiblesse et presque d'imbécillité où il plaît à la nature de me réduire, c'est du moins une consolation pour moi de savoir que V. M. est guérie de ses maux, et qu'elle veut bien prendre quelque part aux miens. L'ouvrage qu'elle m'a fait l'honneur de m'envoyer
a Tobie, chap. IV, v. 16, et saint Matthieu, chap. VII, v. 12.