<560> imbu de la morale des esséniens, qui tient beaucoup de celle de Zénon. Sa religion était un pur déisme, et voyez comme nous l'avons brodée. Cela étant, si je défends la religion du Christ, je défends celle de tous les philosophes, et je vous sacrifie tous les dogmes qui ne sont pas de lui. Des prêtres ayant remarqué quel pouvoir leur crédit idéal leur donnait sur l'esprit des peuples, ils ont fait servir la religion d'instrument à leur ambition; mais si leur politique a défiguré une chose qui, dans son institution, n'était pas mauvaise, cela ne prouve autre chose, sinon que la religion chrétienne a eu le sort de toutes les choses humaines, qui se pervertissent par des abus. Quand on veut donc se récrier contre cette religion, il faut désigner les temps dont on parle, et distinguer les abus de l'institution. Mais quels que soient ses dogmes, le peuple y est attaché par la coutume; il l'est de même à certaines pratiques extérieures; qui les attaque avec acharnement le révolte. Que faut-il donc faire? Conserver la morale, et même y réformer ce qui est nécessaire; éclairer les hommes en place qui influent sur les gouvernements; répandre à pleines mains du ridicule sur la superstition; persifler les dogmes, éteindre le faux zèle, pour acheminer les esprits à une tolérance universelle : qu'importe alors à quel culte le peuple est attaché?
Après vous avoir dit de Dieu ce que j'en sais et ce que je n'en sais pas, je vous entretiendrai un moment d'une de ses images sur terre, de ce Louis XIV, trop loué pendant sa vie, et trop amèrement critiqué après sa mort. Vous accusez ce prince d'avoir le premier donné l'exemple de ces armées nombreuses qu'on entretient de nos jours. Ne vous souvenez-vous donc pas que longtemps avant lui les Romains en avaient introduit l'usage? Mettez-vous dans le cas de ce prince. Il prévoyait que la jalousie de ses voisins lui susciterait des guerres toujours renaissantes; il ne voulait pas être pris au dépourvu. Il voyait la maison royale d'Espagne près de s'éteindre; ne devait-il pas se mettre en posture pour profiter des événements favorables que