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103. A D'ALEMBERT.

Le 25 juillet 1771.

Je suis bien aise que les philosophes de Paris ne ressemblent ni à ..., qui ne rit jamais, ni à la Rossinante de Don Quichotte, qui ne galopa qu'une fois en sa vie. Le pape, le mufti, les derviches et les moines sont faits dans ce siècle pour nous faire rire; autrefois ils faisaient gémir. Je ne sais si la correspondance du vice-Dieu de Rome et du successeur de Mahomet à Constantinople est bien authentique; mais s'ils ne se sont pas écrit ce qu'on leur attribue, ils ont dû se l'écrire, étant de même métier; il n'y a que le débit de leurs drogues et la concurrence qui les rendent ennemis. Ceux qui combattent pour le croissant, et les guerriers des mers hyperborées, sont plus difficiles à concilier que les prêtres; il faut espérer cependant que quelques bonnes âmes rétabliront la paix entre eux.

Vous voyez donc que la guerre est un des ingrédients qui entrent nécessairement dans la composition de ce malheureux monde. Depuis l'année 34, l'Europe n'a vu qu'une succession de guerres perpétuelles, celle de 40 jusqu'à 48, celle de 56 jusqu'à 63, celle des Russes et des Turcs depuis 69, qui dure encore; l'Espagne a été sur le point de rompre avec l'Angleterre; enfin rarement se passe-t-il dix ans de suite que toute l'Europe jouisse d'une paix durable. Vos Français, qui se consolent de tout par un vaudeville, crient un peu quand la guerre oblige à lever de nouveaux impôts, et quelques plaisanteries leur font tout oublier. Ainsi, par un heureux effet de leur légèreté, le penchant qu'ils ont à la joie l'emporte sur toutes les raisons qu'ils ont de s'affliger. Un royaume aussi riche que la France, un royaume à ressources immenses, que les déprédations de tant de brigands de finance n'ont pu épuiser, ne saurait manquer d'argent; et le Roi Très-Chrétien, le plus ancien monarque de la chrétienté,