115. AU MÊME.
Le 23 juillet 1772.
Je ne m'attendais pas à recevoir un ouvrage de tactique des mains d'un philosophe encyclopédiste; c'est comme si le pape m'adressait un ouvrage sur la tolérance. Je n'ai pas lu en entier le livre du jeune militaire; mais en jetant les yeux sur la préface, j'y ai trouvé des choses qui méritent sûrement d'être corrigées pour rendre hommage à la vérité. Le jeune auteur avance inconsidérément que les Prussiens ne sont pas braves; et c'est cependant à leur valeur que j'ai dû tous les succès que j'ai eus à la guerre. Ce jeune homme devrait avoir compris que, quelque adresse et quelque dextérité qu'aient les troupes, elles ne battront jamais l'ennemi qu'en le dépostant du terrain où il se trouve; et cela ne peut s'exécuter que par des hommes braves et déterminés. Ce passage, digne de censure, devrait être effacé, car en parcourant les titres des chapitres, j'ai vu que c'est l'ouvrage d'un génie qui travaille à s'éclairer et à éclairer les autres, et qui n'attend que les occasions pour se distinguer.a Vous aurez la complaisance d'avaler ce petit détail d'une profession que vous n'aimez pas, sous l'abri de laquelle cependant toutes les autres s'exercent.
Vous me faites bien de l'honneur de m'attribuer un si grand crédit auprès de Mustapha; il n'a pas été difficile de lui inspirer des sentiments pacifiques, parce qu'il n'avait plus les moyens de continuer la guerre, et qu'il risquait, en la prolongeant encore, le bouleversement entier de son empire. Je vous réponds d'avance que les abîmes de la terre ne s'ouvriront pas pour vomir des flammes et consumer les ouvriers qui rebâtiront le temple de Jérusalem. Mustapha n'a point assez de fonds, après les énormes dépenses qu'il a faites dans cette guerre, pour se charger d'une pareille entreprise. Les juifs de
a Voyez t. XXIII, p. 268.