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18. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Berlin, 29 janvier 1764.



Madame ma cousine,

J'aurais déjà fait mes condoléances à Votre Altesse Royale, si je n'avais craint de toucher une matière qui devait lui être triste, et dont il vaut mieux écarter que rappeler le souvenir. Le prince Xavier vous a rendu, madame, la justice que tout le monde vous doit, et je l'aurais trouvé fort à plaindre, si, dans les affaires dont il est chargé, il n'eût voulu s'éclairer de vos lumières. V. A. R. exige de moi que je plaide la cause de l'impératrice de Russie; me voilà donc avocat par votre ordre. Je vous épargnerai cependant, madame, toute la diffusion d'un plaidoyer, et je ne vous en rapporterai que la substance.

Je commence mon exorde par l'éloge des princes qui remplissent exactement leurs traités, et surtout leurs garanties. J'ajoute à cela que personne n'en donne un plus grand exemple que l'impératrice de Russie, qui, ayant garanti les constitutions fondamentales de la république de Pologne, s'emploie, en voisine officieuse, à les maintenir dans un moment critique où elles pourraient être ébranlées. C'est là le lieu à m'étendre longuement sur les priviléges des États électifs, privilége qui donne aux citoyens le droit d'élire leurs souverains, mais privilége difficile à maintenir (pardon) contre ceux qui tâchent de rendre cet État électif héréditaire. Alors j'ajoute des exemples; je dirai, par exemple : Considérez, madame, ce qu'est devenu ce droit d'élection en Germanie. Vous voyez que, après que les états de l'Empire ont eu l'imprudence de choisir quelques empereurs de suite dans la maison d'Autriche, l'État et cette dignité y passe, depuis, de père en fils, l'élection devient une cérémonie vaine, d'un droit et d'un privilége qu'elle était autrefois, qu'on exerçait avec liberté. Depuis les Othon, plus d'empereurs de la maison de Saxe. Depuis l'Oiseleura et les der-


a Voyez t. I, p. 4 et 229.