<656> dieux, s'il est vrai que le cœur des rois soit entre leurs mains,a de vouloir bien conserver ce grand et digne prince dans les sentiments de bonté dont il m'a honoré jusqu'ici, et dont je me flatte de n'être pas tout à fait indigne par la vivacité de ma reconnaissance, de mon dévouement et de mon admiration pour lui.
Cette admiration, Sire, augmenterait, s'il est possible, par la lecture que j'ai faite de la lettre charmante que V. M. vient d'écrire à M. de Voltaire.b Comme il sait toute mon amitié pour lui, et tout ce que je sens pour V. M., il n'a pas cru faire une indiscrétion de m'envoyer copie de cette lettre, dont je lui ai bien promis de ne donner, de mon côté, copie à personne, mais que je voudrais faire lire à tous les gens de lettres, pour les pénétrer des sentiments qu'ils vous doivent. L'estime que vous marquez pour leur chef mérite toute leur reconnaissance, et la manière dont vous exprimez cette estime est pleine de cette grâce et de ce charme que toutes les lettres de V. M. respirent. L'article des Turcs battus, quoiqu'ils n'aient point de philosophes, est surtout charmant, ainsi que l'article de la lyre de la Henriade, d'Amphion et du poisson qui le porta; et ce que V. M. ajoute, que c'est tant pis pour les .....c s'ils n'aiment pas les grands hommes, est digne de faire proverbe parmi les gens de lettres. Pour moi, ce sera désormais le refrain de tous mes discours, en voyant les lettres opprimées et persécutées comme elles le sont.
Il faut que ces pauvres ignatiens soient bien malades, puisqu'ils ont recours à un médecin tel que V. M., qui en effet n'a guère de remèdes efficaces à leur offrir. Je doute qu'ils soient contents de la réponse de V. M., et qu'ils lui fassent l'honneur de l'affilier à leur ordre, comme ils l'ont fait à notre grand Louis XIV, qui aurait bien pu se passer de cet honneur, et au pauvre misérable roi Jacques II,
a Proverbes de Salomon, chap. XXI, v. 1.
b Le 4 (1er) décembre 1772.
c Les Dauphins. Voyez t. XXIII, p. 256.