<664> penser; et comme, Dieu merci, nous n'avons point de Sorbonne, ni de bigots assez autorisés pour oser se mêler de censurer les pensées, vous verrez, par les pièces que je vous envoie, que moi et tous les Prussiens, nous pensons tout haut. Cependant je ne saurais vous dissimuler que le secrétaire perpétuela de notre Académie s'est avisé de faire imprimer je ne sais quelle Confession d'un incréduleb qui, comme de raison, se convertit in articulo mortis de ses débauches par peur du diable. C'est ce qui m'a donné lieu de vous adresser l'Épître ci-jointe;c il n'y manque qu'un meilleur poëte pour mettre les matériaux en œuvre.

Vous voyez, mon cher d'Alembert, que, m'occupant de pareilles niaiseries, le poids de l'Europe, que vous me supposez porter, ne m'accable guère. Comment pouvez-vous croire qu'un souverain des anciens Obotrites s'émancipe à jouer un rôle en Europe? Je ne suis en politique qu'un polisson, qui me contente de garder mon coin, et de le défendre contre la cupidité et l'envie des grandes puissances. Je me suis ingéré, il est vrai, à vouloir rétablir la paix en Europe; l'argent de vos Velches a prévalu à Constantinople, chez les ulémas, contre des raisons plus valables que des louis; et pour toutes les rodomontades de vos compatriotes, et les prétendus mouvements que les gazetiers prétendent qu'ils feront dans le Nord, je vous assure qu'on s'en moque à Berlin tout comme à Pétersbourg et à Copenhague. Nous demeurerons très-pacifiques; personne ne pense ici à aiguiser ses couteaux, et ceux qui par étourderie voudraient se frotter à nous trouveraient à qui parler. Prenez pour vous la moitié de ce que je viens de vous écrire, et cédez le reste à ceux qui, sans doute admirateurs de mon beau style, sont curieux de me lire furtivement; ils peuvent faire courir cette lettre comme d'autres qu'ils


a M. Formey.

b Cet écrit nous est inconnu.

c Voyez t. XIII, p. 119.