<668> qui me trouble dans la confection de l'Histoire de l'Académie française; je me sers du mot confection, parce que je regarde cette histoire comme une espèce de pilule que le secrétaire est obligé de faire et d'avaler. Je tâcherai néanmoins, comme de raison, de la dorer le mieux qu'il me sera possible, et pour moi-même, et pour ceux qui voudront en goûter après moi; je ferai comme Simonide, qui, n'ayant rien à dire de je ne sais quel athlète, se jeta sur les louanges de Castor et de Pollux.a
V. M. a bien raison sur notre littérature; Voltaire en soutient encore l'honneur, quoique faiblement; mais il laisse bien loin derrière lui tous ceux qui veulent le suivre. Il est vrai, comme V. M. le remarque, que c'est principalement aux circonstances qu'il faut s'en prendre. Nous sommes rassasiés de chefs-d'œuvre; il devient plus difficile d'en produire de nouveaux; et d'ailleurs l'inquisition littéraire, qui est plus atroce que jamais, tient tous les esprits à la gêne. V. M. n'a pas d'idée du déchaînement général des hypocrites et des fanatiques contre la malheureuse philosophie. Comme ils voient que leur maison brûle de toutes parts, ils en jettent les poutres enflammées sur les passants. Toute la basse littérature est à leurs ordres, et crie sans cesse Religion! dans les brochures, dans les dictionnaires, dans les sermons. La plupart sont des hommes décriés pour leurs mœurs, et quelques-uns des voleurs de grand chemin; mais n'importe, notre mère sainte Église emploie ce qu'elle peut pour sa défense; et, en voyant en bataille cette armée de cartouchiens commandée par des prêtres, la philosophie peut bien dire à Dieu avec Joad :
Voilà donc quels vengeurs s'arment pour ta querelle!b Ce malheur, Sire, ne sera pas grand, tant qu'il plaira à l'Être su-
a Voyez Cicéron, De Oratore, liv. II, chap. 86; Quintilien, De institutione oratoria, liv. XI, chap. 2; et Phèdre, Fables, liv. IV, fab. 24.
b Athalie, par Racine, acte III, scène VII.