75. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Dresde, 2 janvier 1767.
Sire,
Rien n'est si gracieux que les expressions dont Votre Majesté veut bien se servir avec moi, et je ne sais où prendre des termes bien capables de lui exprimer ma sensibilité et toute ma reconnaissance. J'ai pu faire connaître à un héros la crainte et les alarmes; j'en suis toute glorieuse. Mais, Sire, je n'abuserai point de vos bontés pour vous mettre encore à la même épreuve; la petite vérole est comme ces voleurs qui vous signent un passe-port pour n'être plus attaqué par leurs semblables. S'il en était ainsi de tous nos maux, ils porteraient la consolation avec eux. V. M. aurait tort, si elle se reprochait de m'avoir écrit une lettre badine; je n'en ai pu faire la lecture que dans<139> ma convalescence. Tout ce qui égaye est alors de saison, et mon orthodoxie, se contentant de vous laisser, Sire, au jugement de l'Église, ne m'empêche point de sentir la tournure spirituelle que vous donnez à vos hérésies. Celle de M. le duc de Würtemberg le fera excommunier de toutes les femmes. Je plains bien sincèrement madame la duchesse, et je sais combien elle est digne d'un meilleur sort. Mais, Sire, avec un protecteur tel que vous, on ne peut être tout à fait malheureux. Je suis bien flattée de me savoir encore dans le souvenir de votre aimable nièce. Quoique les choses communes ne soient point faites pour V. M., agréez, Sire, que je vous présente mes vœux à l'occasion de la nouvelle année. Vous voudrez bien les distinguer, puisqu'ils partent du cœur, et de ces sentiments inaltérables avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc.